Google News spam : quand la notoriété devient une proie

DMCA Google

Depuis quelques mois, certains sites se livrent à une pratique sournoise : ils reproduisent les titres et adresses d’articles existants pour exploiter la puissance de Google Actualités et des moteurs de recherche.
En surface, ces pages semblent légitimes ; en réalité, elles ne contiennent aucun contenu, seulement des titres copiés qui redirigent – parfois – vers le média d’origine.
Leur objectif n’est pas de créer de l’information, mais d’utiliser l’écosystème de Google Actualités comme levier de crédibilité pour booster artificiellement leur propre site et, à terme, revendre leur nom de domaine en profitant de cette notoriété détournée.

Le cas vécu de Google News Spam

Récemment, un domaine tiers a ainsi imité la structure de Kabyle.com :
titres identiques, slugs identiques, référencement identique.
Aucune citation, aucun lien autorisé ; seulement un effet de miroir destiné à parasiter notre présence dans Google News.
Ces pratiques constituent ce qu’on appelle du SEO poisoning – une pollution algorithmique où la notoriété d’autrui devient une ressource à siphonner.

Pourquoi c’est grave

Beaucoup de lecteurs pensent que ces “renvois” sont inoffensifs, voire bénéfiques :

“Si le site parle de toi, ça te fait de la pub !”
C’est faux.
Lorsqu’un domaine non autorisé duplique des titres, il vole le signal sémantique qui permet au moteur d’identifier la source originale.
Résultat : baisse de visibilité pour le vrai média, confusion pour le public, et dilution de la crédibilité.
C’est un peu comme si quelqu’un collait ton nom sur une porte vide : vu de loin, on croit que c’est toi, mais il n’y a personne à l’intérieur.

Faux journalisme, du parasitage culturel et du cynisme économique à la fois.

La manipulation visuelle

Comme souvent dans ce type de fraude, le site pirate n’a aucun droit sur les images qu’il affiche : visuels flous, pixellisés, ou repris d’autres sites sans crédit.
Ce bricolage visuel sert à donner l’illusion d’un média “vivant”, mais cache une opération bien plus cynique : se faire de l’argent sur le dos d’un peuple et d’une culture, en exploitant la notoriété de ceux qui produisent réellement du contenu.
Sous couvert d’“information kabyle”, il s’agit en réalité d’une entreprise d’opportunisme numérique, sans éthique, sans rédacteurs, sans identité.
Ce type de parasitisme blesse non seulement les créateurs, mais aussi les lecteurs, trompés par des apparences.

Les contre-mesures techniques

Face à ces attaques silencieuses, plusieurs actions existent :

  1. Protection du flux RSS : ajout de mentions “© Kabyle.com – source originale” dans les titres et limitation du contenu aux extraits.
  2. Signalement DMCA à Google : procédure officielle de retrait pour les copies ou imitations d’URL.
  3. Renforcement de l’identité d’éditeur : balises publisher, profil Google Publisher Center, et schéma JSON-LD d’organisation.
  4. Transparence éditoriale : affichage clair du nom d’éditeur et de la date de publication dans chaque article.

Ces mesures n’empêchent pas les copies, mais elles permettent de réaffirmer la paternité et d’affaiblir les sites frauduleux.

Une responsabilité collective

Le web indépendant vit grâce à l’éthique de ceux qui le pratiquent.
Partager, citer, renvoyer, oui ; mais reproduire sans autorisation, non.
Derrière chaque article, il y a du temps, des auteurs, une ligne éditoriale, un engagement.
Feindre de rendre service à un média tout en pompant son référencement, c’est trahir l’esprit du web libre.

Le fonctionnement de “l’acquisition de force” dans le SEO blackhat

Google attribue à chaque page un ensemble de signaux de confiance et d’autorité :

  • le nom de domaine (ancienneté, popularité, réputation),
  • la cohérence sémantique (mots-clés, titres, balises),
  • les liens entrants (backlinks),
  • et la fréquence de mise à jour.

Les sites malveillants cherchent à s’infiltrer dans ce système de réputation en fabriquant de faux signaux.
Ils ne créent rien de neuf : ils recyclent les titres, les liens, ou les mots-clés de sites légitimes pour se faire passer pour des sources crédibles.

C’est ce qu’on appelle “aspirer la force” d’un domaine.

Par aillleurs désactiver les liens de retour (trackbacks et pingbacks) dans WordPress fait partie des mesures anti-parasites indespendables, surtout pour éviter les liens cachés ou les boucles d’auto-référencement créées par des sites de spam.

Une boucle d’auto-référencement est une situation où plusieurs sites (ou pages) se citent et se renvoient entre eux en boucle, sans contenu réel, uniquement pour faire croire à Google qu’ils sont populaires.

Le spammeur ne crée plus une boucle directe (A ↔ B), trop facile à repérer. Dans la version “v2” du parasitisme SEO, il monte une chaîne à trois ou plus pour brouiller les traces.

Exemple :

  • Site A (le site parasite principal) fait un lien vers Site B, un domaine “tampon”.
  • Site B (un blog automatisé ou un vieux domaine expiré) fait un lien vers Site C.
  • Site C fait un lien vers Site A.

Résultat : Google voit que A, B et C s’échangent de la “popularité”, mais aucune relation directe A ↔ C n’existe. Le réseau paraît donc “naturel”.

Par exemple site parasite (A) :

  1. Copie tes titres ou tes flux pour se coller à ton sémantique (ton site).
  2. Se fait lier par un domaine B (souvent un vieux blog ou un forum recyclé).
  3. Et fait ensuite un lien vers un site C plus propre (parfois même un annuaire ou un média réel).

Ainsi, ton nom et tes contenus deviennent la “matière première” du maillage.
Même sans lien direct, ton autorité sert de point d’ancrage sémantique : le moteur comprend “Ah, ces domaines parlent du même sujet — ils doivent être reliés”. C’est du vol d’autorité contextuelle, une forme de “vampirisme SEO” parfaitement illégitime.

Techniquement Google a encore du mal à les repérer :

  • chaque lien est “cohérent” en apparence (thématique proche, aucun lien retour direct) ;
  • le maillage semble “naturel” ;
  • et l’algorithme n’analyse pas toujours les intentions croisées entre les trois sites.

Ces schémas sont souvent pilotés par des outils automatisés (PBN builders, AI spinners, etc.) et peuvent se déployer sur des dizaines de micro-sites.

La majorité des référenceurs pro, même réputés “propres”, utilisent au moins partiellement du grey-hat, voire du black-hat contrôlé.

Pas forcément par malveillance, mais parce que tout le système SEO est structuré autour de la manipulation de signaux, et que le réseau en est la clé.

Dans les faits :

  • peu de sites obtiennent spontanément des liens naturels,
  • les résultats sont dominés par ceux qui orchestrent leurs propres réseaux,
  • et les agences “blanches” vendent souvent des prestations qui, en réalité, sont du grey-hat déguisé (échanges de domaines, netlinking sponsorisé, PBN discrets, spin de contenu).

La plupart des référenceurs ne travaillent pas sur un seul site : ils contrôlent des grappes de domaines (clients, partenaires, blogs, agrégateurs, médias) reliés entre eux. Cela permet :

  • d’échanger du trafic et du jus SEO,
  • de tester sans risque sur des sites satellites,
  • de mutualiser les signaux d’autorité.

C’est un écosystème opaque, que même Google peine à démanteler tant il ressemble à un web “normal”.

Cette logique de réseau devient problématique quand elle touche les petits médias culturels et indépendants : ceux qui jouent honnêtement, publient des contenus originaux, mais se font écraser par des fermes de sites interconnectés.

Certains acteurs du web off-shore ont développé une véritable expertise du référencement artificiel : duplication de contenus, échanges de domaines, pseudo-médias automatisés.
Dans certaines zones peu régulées, ces techniques servent parfois les intérêts de réseaux économiques ou politiques opaques, qui utilisent le numérique comme instrument d’influence et de propagande.
Ce n’est pas une question de nationalité, mais de gouvernance et d’éthique : là où la transparence est absente, le web devient un terrain idéal pour les stratégies d’instrumentalisation de l’information.

Le levier technique : Google Actualités et les métadonnées

Google News repose sur la reconnaissance de titres, dates, auteurs et flux RSS.

Lorsqu’un site copie ces éléments :

  • il fait croire au moteur qu’il traite les mêmes sujets,
  • il bénéficie temporairement du même champ lexical et du même trust-flow,
  • et peut apparaître dans des requêtes associées.

Autrement dit, il “colle” à votre empreinte sémantique pour remonter dans les mêmes résultats que vous même sans contenu.
C’est de la force volée, pas de la visibilité méritée.

Les variantes : les commentaires cachés et les liens invisibles

Les spammeurs de commentaires utilisent le même mécanisme d’acquisition de force.

  • Ils postent des messages avec des liens dissimulés (en CSS ou en caractères invisibles).
  • Ces liens pointent vers leur propre domaine.
  • Google les lit (même s’ils ne sont pas visibles pour l’utilisateur) et leur accorde une partie de la crédibilité du site hôte.

C’est ce qu’on appelle du parasitage de backlink : ils se branchent sur le “jus SEO” d’un site propre pour se nourrir de sa réputation.

Les motivations économiques

Une fois que le domaine parasite a accumulé assez de “force” :

  • il revend le domaine plus cher (ex. : “site à fort trafic / trust flow 20+”) ;
  • ou il le redirige vers un autre projet pour transférer la notoriété artificiellement.

C’est une économie grise du web, souvent automatisée, où la notoriété devient une monnaie d’échange.

Pour conclure sur ce SEO parasitaire via agrégateurs

Les petits médias – ceux qui travaillent sans subventions ni algorithmes favorables – ont besoin de protection autant que de visibilité.
Leur force réside dans la cohérence, la constance et la sincérité de leur travail.
Refuser le parasitisme, ce n’est pas se plaindre : c’est rappeler que la liberté de publier a aussi un coût, et qu’elle mérite d’être respectée.

Stéphane ARRAMI 08 octobre 2025


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