Les Kabyles ont le devoir de réédifier la Kabylie

Photographie Tassadit Hamouda Montréal pour Kabyle.com

Mes réponses à l’article d’analyse « Les Kabyles, le changement, c’est maintenant ? » du jeune journaliste Aris Djennadi à Lyon. Le partage de ce papier s’est vu censuré par Facebook dès les premières minutes de sa diffusion.

Que pensez-vous des manifestations en Algérie ? Est-ce une bonne chose ? Si oui pourquoi ?

Stéphane ARRAMI : La majorité des Kabyles ne suit pas ce mouvement, en témoigne les réactions sur les réseaux sociaux, les tribunes publiées sur Kabyle.com et l’absence caractérisée du drapeau kabyle dans ces manifestations. Ne vous trompez pas, la présence du drapeau confédéré amazigh a été utilisée pour englober une nouvelle fois les Kabyles dans un contexte national algérien, faire tenter de croire à une réconciliation, de la même manière que le pouvoir a cherché à récupérer Yennayer le jour de l’an amazigh et le symbole de Matoub Lounès.


La tentative de convergence des luttes ne peut fonctionner. Alors que nous voyons des juges, des cadres du système rejoindre la rue, aucun leader du mouvement culturel kabyle n’est présent. Certaines personnalités, telles que le chaoui Yella Houha, Shamy Chemini très influents ont expliqué leur désapprobation.
Rien ne change pour la Kabylie, cela ne peut que faire s’accélérer le processus d’indépendance déjà enclenché. Les Kabyles se sont déjà organisés pour se préparer à la chute du régime algérien, éviter le chaos qui ébranlera l’Algérie, faire en sorte qu’il n’atteigne pas la Kabylie.

Les projets de société sont si différents qu’ils montrent une nouvelle fois que nous avons affaire à deux peuples distincts. Au 21ᵉ siècle, un Kabyle ne parade plus avec un drapeau algérien “ottoman”, ne fait pas la fête pour célébrer de fausses victoires, n’accepte plus d’être minoré dans un État-Nation. Les manifestations en Algérie ne peuvent agréger les voix de celles et ceux qui se sont déjà engagés pour établir une constitution kabyle et un État.

Peut-on parler d’un tournant pour l’Algérie?

C’est surtout un tournant pour les quelques chanteurs kabyles de renom que l’on a vus chassés des manifestations par des Algériens à Paris. Un virage à 360° du peuple algérien avec sa forte proportion d’islamo-baathistes est juste impossible. Bouteflika était le garant et le gardien de cette concorde nationale ancrée dans la religion et l’arabité, relâchant des islamistes criminels, les installant chez nous, engloutissant au passage des milliards dans une mosquée géante, fierté de tous les Algériens nationalistes. Le jour où cette mosquée sera démantelée, nous pourrons commencer à parler de révolution. Cet ancrage persistera dans une Algérie jacobine et arabisée.

Avoir les Kabyles et le reste de la population algérienne unis, est-ce une bonne chose ? Si oui pourquoi ?

Nous nous devons de rester solidaires avec tous les Amazighs à nos franges, avec tous les démocrates et laïques. Nous sommes unis avec tous les peuples qui aspirent à plus de démocratie. Nous recherchons une union internationale des peuples amazighs. Notre idéal de vie en commun sera possible dans une union amazighe à l’échelle nord-africaine.

Est-ce que le sort de l’Algérie dépend de l’unité de sa population ?

Ce qui nous préoccupe, c’est l’unité du peuple kabyle unit dans sa langue, de limiter l’afflux de cars bondés de manifestants d’Alger qui viennent remplir les manifestations organisées en Kabylie, d’ouvrir des ponts avec le monde et faciliter les échanges avec notre diaspora.

Les Kabyles ne feraient-ils pas mieux de faire attention à ne pas tomber dans le piège de l’appel de la population et de ne rien avoir en retour ?

C’est exactement le sens de l’appel signé par des universitaires, militants politiques, scientifiques, Kabyles intitulé “Les élections algériennes n’apporteront rien de nouveau au peuple kabyle”. Il est hors de question de laisser nos nouvelles générations et notre jeunesse se dissoudre dans une algérianité, une pure invention française napoléonienne.

Les esprits ont toujours du mal à changer la vision qu’on leur a inculquée. Il faudra un temps de réadaptation.

Un cataclysme politique submergera les dictatures nord-africaines : j’ai toujours pensé qu’il viendra du désert, de la source même de notre changement de civilisation, c’est-à-dire du Sahara ou de l’Afrique noire.
https://kabyle.com/les-elections-algeriennes-napporteront…

Grâce à l’unité de la population la culture berbère serait-elle reconnue ainsi que sa langue ?

Toute comme l’unification des Amazighs par une seule langue commune la tamazight est un leurre. Les cultures amazighes sont tellement plurielles qu’un État national ne peut en assurer ni la maîtrise ni son émancipation.
Ils tergiversent entre eux pour nous imposer une transcription en écriture dite arabe.

Nos droits à l’autonomie doivent être garantis dans le respect du droit international. Le système algérien arabe a une logique d’action basée sur le court terme, la rente des hydrocarbures, nous sommes dans une asymétrie temporelle. Ce système attend son heure. Nous préparons celle où notre jeune nation qui est née au Printemps Noir jaillira à la lumière des Nations, dans quelques décennies.

Censure de l’article dans les minutes qui ont suivi sa publication repéré et signalé par des algérianistes agents du DRS (Etat algérien).

Lire mon article : Kabyle pas arabe, fier de mes origines


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